LIGHTNING A legend in four seasons

Lightning: experiencing the rift, by Maylis de Kerangal

3 juin 2013 /

 

Find out more about writer Maylis Kerangal (Wiki article in French) / (book review in English).

A bolt of lightning tears through a stormy sky. Its rumbling shakes the night, and its luminous feelers touch down on the earthly landscape. The bolt, the opening image of Manuela Morgaine’s Lightning, is the film’s raw material, its metonymy: it’s what gives it form, shapes its chronology, defines its cinematography. It is what makes this film the occurrence of lightning itself: an experience, a rift.

A narrative saga, an intelligible flash

This is a cinematic saga in the form of a lightning flash. And its power undoubtedly derives from just such a feat: fashioning a bolt out of a saga. Or how a long narrative that unfolds over nearly four hours — Baal, autumn; Pathos Mathos, winter: The Legend of Symeon, spring;  Atoms, summer —  captures the intensity of the electrical charge, the blinding aftereffect, the hallucinatory pulsing, and the sound of thunder. Or how a filmmaker, seeking lightning out in all its forms,  goes looking for its multiple esthetic and cognitive dimensions – chemistry / alchemy, anthropology, archeology, biology – in order to trace the movement of an incandescent film whose image lingers on the retina.

Filming lightning, filming Lightning, mad film.

Manuela Morgaine’s cinematic adventure borrows its form from the lightning’s zigzag: its segments and offshoots trace a geographic trajectory branching out across several countries (France, Guinea-Bissau, Tunisia, Libya, Syria), penetrating secret or forbidden territories, stretching out along seas and rivers, on a deserted beach where anything can happen. Lines that define a movement where time comes undone and redone: drawing on myth (Baal), the immediacy of eyewitness accounts (Pathos Mathos), the legendary, and the chaos of history (the Legend of Symeon), and on the enduring literary romantic encounter (Atoms), Manuela Morgaine films and assembles the shards of a diffracted temporality where dreams and magic form an alliance.

But beyond its many imprints, from its first manifestation — the bolt of lightning — to its last image — the shamanic trance of Azor who learns and embodies the erratic movements of lightning — Manuela Morgaine’s quest confronts us with a form of movement and empathy. For the ambition of Lightning is to find a straight line in the zigzag. To give a linearity back to these lives that were struck and stricken by lighting (melancholic patients, lovers, survivors), to uncover a frequency of narrative and memory in these scattered fragments. This line, which is that of the film stock, the frame, is here the sensory experience of the rift. Filming lightning, Manuela Morgaine creates that rift in the magical night of the darkened theater, and in our hearts. 

 

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Foudre, expérience de la déchirure par Maylis de Kerangal

3 juin 2013 /

Découvrez le texte de l’écrivain Maylis de Kerangal, « Foudre, une expérience de la déchirure »

Un éclair apparaît dans un ciel d’orage, son grondement ébranle la nuit, et ses ramifications lumineuses viennent toucher le paysage terrestre. Image inaugurale de Foudre, le film de Manuela Morgaine, cet éclair en est le matériau premier et la métonymie : il est ce qui travaille sa forme, organise sa temporalité, définit sa lumière. Il est ce qui fait de ce film l’événement même de la foudre : une expérience, une déchirure.

Faire d’une épopée narrative un éclair intelligible
C’est un film en forme d’épopée et c’est aussi un film-éclair. Et sans doute que sa puissance tient précisément dans ce tour de force : faire d’une épopée un éclair. Ou comment un long poème narratif déplié sur près de quatre heures — Baal, l’Automne ; Pathos Mathos, l’Hiver : la légende de Syméon le Printemps ; Atomes, l’Été — trouve à la fois l’intensité de la décharge électrique, l’éblouissement différé, le clignotement hallucinatoire et le bruit du tonnerre. Ou comment une cinéaste se met en quête de la foudre dans toutes ses manifestations, part à la recherche de ses multiples dimensions esthétiques et cognitives — chimie/alchimie, anthropologie, archéologie, biologie — pour en tracer un film incandescent dont la persistance rétinienne irradie longtemps.

Filmer la foudre, filmer Foudre, film fou.
L’aventure cinématographique de Manuela Morgaine emprunte sa forme au zigzag de l’éclair : segments et bifurcations y tracent une trajectoire géographique à travers différents pays (France, Guinée Bissau, Tunisie, Libye, Syrie), pénètrent en territoires secrets ou interdits, s’étirent sur les mers et les fleuves, sur cette plage déserte où tout peut arriver. Des lignes qui définissent un mouvement où se décompose et se recompose le temps : empruntant au mythe (Baal), au présent du témoignage (Pathos Mathos), au légendaire et au chaos de l’histoire (la légende de Syméon), et à l’éternité littéraire de la rencontre amoureuse (Atomes), Manuela Morgaine filme et assemble les fractions d’une temporalité diffractée où l’onirisme et le merveilleux font alliance

Mais au-delà de ses multiples inscriptions, de son amorce — l’éclair — à sa dernière image — la transe chamanique d’Azor qui retrouve et incarne la trajectoire erratique de l’éclair —, la quête de Manuela Morgaine donne à voir un geste, une empathie. Car le projet de Foudre est bien celui de retrouver la ligne dans le zigzag. De redonner une linéarité à ces vies que la foudre aura frappées (patients mélancoliques, foudroyés, amants), de retrouver une fréquence narrative et mémorielle dans ces fragments épars.
Cette ligne, qui est celle de la pellicule, celle du plan, est ici celle du cinéma comme expérience sensorielle de la déchirure : filmant la foudre, Manuela Morgaine la provoque dans la nuit merveilleuse des salles obscures, et dans nos cœurs.

 

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Nicolas Dehorter / translations David H. Pickering